Sophie est partie du 18 octobre au 14 novembre aux Philippines en tant que bénévole. Artiste peintre et art thérapeute, elle avait pour mission d’animer des ateliers d’art-thérapie avec les jeunes filles des Maisons d’Accueil et de renforcer les connaissances du personnel qui les accompagnant dans le cadre du programme reconstruction personnelle. Elle nous raconte… : « Au cœur du centre, j’avais différentes missions :
- Monter des ateliers d’art thérapie auprès des enfants, afin de leur permettre d’exprimer leurs émotions, de trouver une forme d’apaisement dans les moments difficiles qu’elles traversent, de les aider à réinvestir leur vie à travers la redécouverte de leur créativité et de leur confiance en leurs capacités.
- faire découvrir et apporter des éléments de connaissance théorique sur l’art thérapie aux équipes encadrantes sur place, afin qu’elles puissent pérenniser ces actions dans le temps.
- leur apporter du matériel artistique de base pour démarrer les ateliers et leur apprendre à penser et organiser des dispositifs art thérapeutiques à l’aide des matériaux qu’ils pourront aussi trouver sur place.
« Mon ressenti suite aux ateliers…
J’ai été impressionnée par le professionnalisme et la pédagogie, ainsi que la psychologie dont font preuve au quotidien les équipes sur place. On sent très bien qu’il s’agit là d’une véritable bulle de respiration et de plaisir, de partage et d’affection qu’elles sont très heureuses de se retrouver.
Concernant le travail en art thérapie, l’équipe a également fait preuve d’une très grande créativité personnelle, d’une grande disponibilité auprès des filles avec qui elles ont pu partager ces ateliers, et de beaucoup de curiosité quant aux questions soulevées par ces différents dispositifs sur le développement des enfants. Comme j’ai pu leur expliquer, outre ce que la créativité en art thérapie, peut générer comme production de l’inconscient sous la forme d’une réalisation matérielle (dessin, peinture, modelage …), il est extrêmement important de porter attention à tout ce qui se passe au sein même de l’atelier, aux paroles qui sont dites, aux échanges, aux différentes discussions, aux regards, aux gestes. Et surtout, de ne jamais interpréter «à la sauvage», mais de laisser agir. L’art thérapie a un effet d’apaisement et de développement de plaisir, ayant un effet thérapeutique indéniable. Elle permet la valorisation de la personne, la reconquête de son estime personnelle par la réalisation de ses capacités créatrices.
Elle permet aussi, principalement lorsque le travail se fait en groupe comme ici de développer des axes de communications qui passent par l’acte de faire avec ses mains, et non plus seulement par la parole. Les thèmes utilisés dans les différents dispositifs sont cependant à manier avec précaution, dans le cadre de l’atelier, avec du personnel en capacité de recueillir tout ce qui peut en émerger, et aider à le contenir pour aider les enfants. Il me semble que les différentes équipes avec qui j’ai pu travailler ont cette capacité. Ce fut pour moi une expérience extrêmement enrichissante de par les rencontres qu’elle m’a permis de faire et les échanges que nous avons pu avoir autour de ces questions qui touchent à l’art, à la créativité, et à l’enfance.
Cette mission a été une expérience extraordinaire, sur plusieurs plans…
Tout d’abord sur le plan humain, pour l’accueil qui m’a été fait, aussi bien de la part des équipes sur place, de Laurence et Sabine, que des enfants qui m’ont comblée d’attentions au quotidien. Ce fut un bonheur intense que de pouvoir de mon côté les accompagner sur ce petit bout de chemin difficile qui est le leur aujourd’hui.
D’un point de vue professionnel, j’ai pu pratiquer l’art thérapie dans des conditions extrêmement intéressantes, et mesurer chaque jour comme ce métier est un cadeau, comme il faut rester humble dans sa pratique et toujours être reconnaissant de la confiance que peuvent nous accorder les personnes que l’on a la chance de pouvoir accompagner. Au-delà de ce que ces dispositifs ont pu révéler dans l’expression de leurs émotions, elles y ont trouvé je l’espère de la force, du courage pour avancer et surtout pour se découvrir, grâce à leurs multiples talents créatifs, comme des sujets qui comptent et qui pourront faire de belles choses.
Au travers de nos nombreux échanges, il y a eu l’ébauche d’un désir, un désir de voir la vie comme quelque chose à reconstruire et où tout peut devenir possible, si l’on s’autorise à rêver… et que l’on y croit. Je sais que leur route est encore longue pour tourner cette page de leur vie si douloureuse, mais j’ai pleinement confiance en leur capacité de transformation. Car elles ont une telle lumière en elles que la voie est ouverte. En tout cas, je fais le vœu d’avoir pu entrebâiller une petite porte … »
« Ma mission d’Art thérapie avec les enfants :
Atelier 1 : Les filles ont exploré les caractéristiques morales et physiques pour lesquelles elles avaient le plus d’attirance, d’envie, à travers la construction d’un animal imaginaire qui serait une chimère. Elles ont dû imaginer une chimère à partir de leur 3 animaux préférés, la représenter en deux dimension à l’aide du dessin, puis en trois dimensions avec de la pâte à modeler. Elles ont dû lui donner un nom et la présenter au groupe en expliquant sa démarche. Ce travail ouvre une porte à tous les possibles dans l’imaginaire de l’enfant qui s’autorise à exprimer ses propres ressentis, peurs, désirs, possibilités. A travers l’animal il se recrée lui-même d’une certaine façon.
Atelier 2 : Ensemble nous avons exploré les sensations, la perception et la représentation que chacun se fait de son monde intérieur et de son monde extérieur. Ceci par la technique du collage de personnages découpés, et du dessin. Ceci leur a permis d’exprimer leurs états d’âme du moment, leurs peurs, leur joie aussi.
Atelier 3 : Fabriquer une maquette de la maison de leurs rêves. Pour cela elles ont utilisé des matériaux de récupération que j’avais demandé au personnel de collecter avant ma venue, et différents éléments qu’elles ont récupérés le jour même dans le jardin et les différents espaces du centre. C’est un des plus beaux souvenir de cette mission. Cet atelier les a tellement galvanisées que certaines commençaient à travailler dans leur chambre avant que l’atelier de leur groupe ne commence, et toutes ont continué après dans les couloirs afin de peaufiner cette maison merveilleuse. Elles m’ont beaucoup enseigné sur leur créativité, l’usage quotidien qu’elles ont du système D lorsque l’on n’a pas tous les matériaux sous la main. Par exemple de la bougie fondue pour remplacer de la colle, des perles de collier pour faire des décorations sur les toits…
Atelier 4 : C’est la suite du troisième, à savoir une représentation de l’intérieur de leur maison rêvée, par le dessin, ce qu’elles aimeraient y trouver. Que ce soit du matériel, des jardins, paysages, chacune a pris cette consigne comme elle le souhaitait, avec au final des productions extrêmement différentes leur permettant de se projeter dans un avenir et à rêver, dans un premier temps…
Atelier 5 : Je les a initiés à l’écriture d’une histoire à partir d’images choisies par elles même, et à la transposition de cette petite histoire en dessin et peinture en représentant les éléments principaux. Ce type de dispositif est particulièrement intéressant car il permet, par le détour de la narration, la mise à distance des affects qui, transposés dans une histoire «inventée», avec des personnages fictifs, amène une plus grande liberté d’expression des émotions. Quelquefois, ce procédé étant très rassurant, il peut aussi conduire à ce que l’enfant parle à la première personne, où se place dans l’histoire volontairement
Atelier 6 : Initialement ici, l’idée était de réaliser une fresque collective, en y associant du collage d’images et de la peinture. Finalement l’atelier a pris une tournure différente de ce que j’imaginais. Fascinées par la collection d’images que je leur avais apportée, elles ont choisi de s’en inspirer pour tenter de les reproduire en peinture. Contrairement à l’idée première de rester debout et de circuler autour de la fresque pour y intervenir à différents endroits, elles se sont assises et ont dessiné et peint à un seul endroit. Le résultat final était très beau et surprenant. Cet atelier a été un grand moment de calme.
Atelier 7 : Le septième atelier a fait intervenir le dessin et la narration, ainsi que la création de personnages, à partir du dessin de leur propre main. La main étant une passerelle vers l’intime, le corps, le personnel, cet atelier, à travers la création de personnages fictifs, mais jamais très éloignées de l’histoire personnelle inconsciemment ou consciemment, permet une représentation de la sphère relationnelle de chacun. On y perçoit les désirs, les manques, les peines et les bonheurs.
Atelier 8 : Les filles devaient colorier et dessiner une jarre magique de laquelle sortirait un génie. Dans un deuxième temps il fallait en utilisant comme base le collage d’éléments de visage découpés dans des magazines que j’avais apporté, créer le visage du génie qui sortirait de cette jarre, et exprimer par écrit les trois vœux que chacune souhaiterait lui demander.
Atelier 9 : Le neuvième atelier a été réalisé dans le gymnase. Pour cela j’ai demandé aux filles de se placer par deux et à tour de rôle de dessiner le contour du corps de l’autre allongée au sol sur une très grande feuille. Ensuite chacune devait avec de la peinture remplir l’intérieur de sa silhouette comme elle le souhaitait, soit de façon réaliste en se dessinant, soit par des taches de couleurs. Les peintures géantes ont ensuite été rassemblées et accrochées sur les murs du gymnase. C’était une forme de réappropriation de leur corps et de ses limites qui a donné lieu à un atelier très joyeux et stimulant.
Atelier 10 : Je leur ai proposé des activités de pure détente, avec dans un premier temps un travail de coloriage d’un masque d’animal qu’elles ont choisi parmi une sélection que je leur avais apportée. L’art thérapie n’étant pas qu’un lieu pour exprimer ses émotions, ses ressentis, ce peut être aussi un espace de respiration comme nous l’avons vu dans l’atelier sur la fresque, et dans ce cas précis l’intention de ne penser à rien de particulier et juste de se laisser porter par le coloriage était donnée dès le départ. Ceci permet de mettre l’esprit en vacances psychique. Je leur ai par la suite demandé, dans une deuxième partie, de disposer des points et des traits sur une feuille à faire tourner entre elles, afin de se retrouver avec au final sur sa feuille une multitude de lignes abstraites. La consigne était de laisser voguer son imagination en poursuivant cette ébauche de création en lui donnant une orientation, en fonction de ce que l’on pouvait y «voir».
Atelier 11 : Le onzième atelier avait pour consigne de poursuivre une image d’un dessin tronqué. Dans un premier temps, celui d’un monstre marin dont on ne voyait que la queue, en imaginant un nouveau monstre totalement inventé, et en laissant libre cours à leur imagination, de laisser aller leurs émotions. Ensuite je leur ai demandé à partir d’une ébauche d’une plante de dessiner une sorte d’arbre de vie qui irait à l’opposé des sentiments du premier dispositif.
Atelier 12 : Le douzième atelier a consisté à la production de trois petits dessins, chacun étant une représentation du passé, ou de présent, ou du futur. Les filles les ont associés avec des petites roues pour former un petit train et y dessiner leur portrait au volant, dans la locomotive de ce train.
Atelier 13 : Pour finir, j’ai souhaité être dans le jardin, ou plus précisément sous le toit de « mariposa ». Nous avons disposé deux tables au centre avec de grandes feuilles de papier « manila », et je leur ai demandé de représenter une maquette en deux dimensions du centre de CAMELEON, en utilisant du collage pour représenter les bâtiments, du dessin pour décorer les espaces extérieurs. Elles y ont également collé des végétaux et fleurs fraîches ramassées dans le jardin. Elles ont ensuite choisi dans un sac de jouets que j’avais apporté de la salle d’activités, une petite figurine qui les représente, et l’on disposé sur la maquette de CAMELEON, en se plaçant dans un endroit du centre qu’elles aimaient particulièrement. »
Un engagement qui continue de retour en France…
Depuis son retour en France, Sophie continue a aider bénévolement CAMELEON dans le développement de ses actions. Etant graphiste, elle participe à la création de supports de communication, telle que la conception d’un logo pour les 20 ans de l’association.
L’équipe de CAMELEON remercie Sophie pour son aide au cours de cette mission riche et réussie, son soutien et son engagement dans le temps !!