Quels auront été les effets de la crise sanitaire sur les enfants et les adolescents ? L’épidémie de Covid-19 circule encore et nous avons trop peu de recul à ce stade pour mesurer toutes les conséquences à long terme de cette crise sanitaire Toutefois, plusieurs constats peuvent déjà être dressés sur les effets du confinement et du déconfinement et notamment la recrudescence des violences intrafamiliales sur les enfants et la multiplication du nombre de prédateurs sexuels d’enfants en ligne. Ces quelques observations factuelles doivent être au centre de nos préoccupations à l’heure où de nombreux pays reconfinent leur population.
Selon un rapport d’audition de la Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale visant à mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse, publié en septembre 2020, il apparaît que l’une des conséquences les plus préoccupantes du confinement aura été la déscolarisation de milliers d’enfants et d’adolescents. Certains étaient en situation d’échec scolaire avant le confinement et ne sont pas allés à l’école pendant plusieurs mois d’affilée. Pour beaucoup d’entre eux, la continuité pédagogique, via les outils numériques, n’a pas été efficace. Les Apprentis d’Auteuil, partenaire de CAMELEON, ont quant à eux mis en avant l’impact négatif de la crise sanitaire sur l’insertion des jeunes puisque les entreprises sont dans l’incapacité de les accueillir en stage. Comme dans toutes les périodes de crise, les inégalités se creusent et des risques d’exclusion et de pauvreté exposent les plus vulnérables.
Par ailleurs, s’il est vrai que les enfants ont été très peu malades de la Covid-19 puisqu’ils ont représenté 1% seulement des hospitalisations, ils ont été victimes de nombreux troubles psychologiques. Selon Stéphanie Bioulac, praticienne hospitalière et pédopsychiatre, des syndromes de refus scolaire anxieux ou “phobie scolaire” ont été multipliés, sans parler du stress généré par les mesures de restriction des libertés, variable d’un contexte familial à l’autre. Le confinement a notamment développé le syndrome de Hikikomori, repli social pathologique, qui marque parfois une déficience ou une détresse personnelle importante. Pour pallier aux différents risques, une hotline, “Ma Cabane”, a été mise en place par une quinzaine de professionnels, pédopsychiatres, psychologues, orthophonistes, psychomotriciens, afin de soutenir les enfants et les adolescents, brutalement laissés sans soin, et leurs familles.
Le baromètre Harris Interactive a montré une forte augmentation de l’utilisation des médias sociaux par les internautes de 15-24 ans au premier semestre 2020. Les plus fortes hausses d’utilisation pendant le confinement placent en tête TikTok avec 35 % (+ 27 points par rapport à 2019), et WhatsApp avec 63 % (+ 18 points). Ce phénomène est préoccupant quand on sait que l’utilisation de réseaux sociaux expose les enfants à des risques de cyberviolences. Le collectif Stop Fisha a constaté une explosion des comptes fisha, comptes qui publient des photos dénudées d’adolescentes pour les “afficher” à leur insu. Le retour des comptes “fisha” s’est aussi accompagné d’une hausse des tentatives de “sextorsion” ou de chantage aux images intimes. Malgré le nombre élevé de victimes, très peu portent plainte. D’abord parce que peu d’entre elles savent qu’il s’agit d’un délit. Ensuite, parce que la plupart sont encore mineures et disent être envahies par la honte, notamment vis-à-vis de leurs parents, ce qui renforce leur isolement.
Au niveau mondial, la crise du Covid-19 a également accentué le risque d’exploitation sexuelle des enfants sur Internet. Ainsi, Europol a signalé que les forces de l’ordre rapportaient davantage d’activités en ligne de la part d’individus recherchant des contenus issus d’abus infligés aux enfants. L’agence des Nations-Unies pour l’enfance (UNICEF) a alerté sur la multiplication du nombre de prédateurs sexuels d’enfants en ligne, en raison de l’augmentation sans précédent du temps passé par les enfants sur leurs écrans.
Au delà de la question des cyberviolences, de nombreux enfants et adolescents ont été exposés ou ont subi des violences au sein même de leur domicile familial. Ainsi, des familles déjà fragilisées ont explosé. Les violences conjugales sont aussi des violences pour les enfants qui absorbent les émotions comme des « éponges ». « Nous avons tous lu cette terrible histoire d’un père qui a frappé son fils de six ans au point qu’il meure, pour une banale histoire d’école » rappelle Stéphanie Bioulac. Notre partenaire La Voix de l’Enfant a signalé qu’en temps normal “80% des violences faites aux enfants se passent dans le cercle intrafamilial” et que la fermeture des écoles a entraîné inévitablement une hausse des violences. Le 119, numéro d’appel d’urgence dédié à l’Enfance en danger, a noté une augmentation de près de 56% des appels durant la période du confinement. Ce sont pas moins de 97 542 appels qui ont été reçus d’avril à mai 2020, soit une augmentation de 50% par rapport à l’année précédente.
Difficile d’évaluer le cas spécifique des violences sexuelles sur les enfants en l’absence de statistiques fiables en temps normal. Toutefois, la probabilité d’une plus forte augmentation des cas de violences sexuelles sur les enfants déjà victimes de violences au sein de la famille se confirme. Pendant le confinement, une centaine d’enfants ont d’ailleurs été placés hors de leur domicile familial en urgence afin d’assurer leur protection.
Alors que nous sommes au coeur de la seconde vague de l’épidémie et que de nombreux pays reconfinent leur population, la situation des enfants et des adolescents reste très préoccupante. A travers sa Mission Sociale France, CAMELEON se mobilise pour que leur voix soit entendue. Nous pensons qu’il est essentiel pour les enfants et les jeunes de connaître leurs droits afin qu’ils soient mieux protégés contre les violences. C’est la raison pour laquelle CAMELEON s’engage dans des actions de prévention et de sensibilisation auprès du grand public et dans le milieu scolaire et périscolaire en France.
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