[content_band]Mélanie est assistante sociale dans la maison d’accueil de Cameleon Philippines, à Passi. Chaque mois, avec ses collègues, elles se rendent dans les maisons de certaines familles des filles du centre. Ce témoignage après l’une de ces visites, montre les réelles conditions dans lesquelles ces familles vivent chaque jour.
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Mélanie : « Hier soir je discutais avec la directrice car certaines de nos filles reçoivent des sommes d’argent de leur parrain et demandent la permission de les partager. Au lieu de dépenser ces cadeaux seulement pour elles, parfois elles achètent de la nourriture pour leurs familles. Il arrive que certains parrains ne comprennent pas pourquoi les filles achètent de la nourriture, puisque Cameleon la leur fournit déjà. Ils pensent que ces dons en espèces devraient être dépensés pour elles, pour des robes où des choses qui leurs feraient plaisir. Mais les filles de Caméléon ont du mal à décider de faire ces dépenses pour elles-mêmes, à cause de la pauvreté de leurs familles. Je suis très touchée par la générosité de certaines. L’une d’entre elles, alors qu’elle recevait un don d’espèces pour la première fois, a décidé de dépenser la moitié pour emmener sa famille à Jollibee (fast food local) ! Les parrains devraient savoir que les filles ont un réel désir d’aider leurs familles. C’est quelque chose de fondamental pour nous Philippins, de partager avec notre famille dès que nous recevons quelque chose. »
Julie : « Bien sûr, et comment s’est passé cette visite de la maison ? J’ai cru comprendre que c’était difficile pour la famille en ce moment.»
Oui, parce qu’ils n’ont rien à manger ! Parfois, quand ils savent que leur fille n’a pas dépensé entièrement son cadeau en espèces, la mère vient me demander si elle peut emprunter 300 pesos (soit 6 euros), parce qu’ils n’ont pas d’argent pour acheter de la nourriture. »
« Ok. Mais ils ont reçu de l’argent du gouvernement récemment non ? Qu’ont-ils acheté avec cet argent ? »
« Oui, l’argent qu’ils ont reçu était destiné aux réparations de leur maison après Yolanda, c’était la contre partie du gouvernement. Mais ici, pour certaines personnes, quand elles reçoivent de l’argent, au lieu d’acheter de la nourriture, elles achètent quelque chose qu’elles n’ont jamais eu. Comme des appareils électroménagers par exemple, c’est quelque chose de courant ici : en l’occurrence cette famille a acheté une télévision !»
« Tu aurais une idée de la raison pour laquelle ils ont fait cela ? »
« Parce qu’ils sont démunis. D’habitude ils vont chez le voisin pour regarder la télé. Alors dès qu’ils ont eu l’argent pour acheter une télévision, ils l’ont fait pour ne pas avoir à aller chez le voisin. Je pense que ce serait une bonne question de recherche en économie sociale (rires) ! »
« Mais la famille de cette fille n’a même pas l’électricité ! »
« Oui, c’est vrai ils n’ont pas l’électricité ! Ce matin (lendemain de la visite) j’ai pu revoir les parents, car la petite fille avait une audience au tribunal et les parents étaient là. Je leur ai demandé « Comment allez-vous ? » et ils m’ont dit : « Nous n’avons pas de travail en ce moment ». Parce qu’ils ne sont allés à l’école que jusqu’en primaire et qu’en ce moment il n’y a pas de récolte ni de travail dans les élevages de volailles… donc ils n’ont aucun revenu. Donc je leur ai dit « Pourquoi est-ce que vous ne vendez pas votre télé ? Vous ne l’avez pas utilisée depuis que vous l’avez achetée, vous la laissez juste de côté parce que vous n’avez pas l’électricité… » Ils ont dit qu’ils y réfléchiraient, je ne sais pas s’ils le feront. Mais la mère prévoit déjà de partir à Manille chez son ancien employeur pour être aide ménagère. Mais elle ne gagnera que 3000 pesos (60 Euros) par mois si elle fait ça ! Donc je lui ai dit : « Est-ce que votre salaire de 3000 pesos va suffire pour subvenir aux besoins de vos enfants ? Vous allaitez encore le plus jeune, si vous le laissez est-ce que votre salaire sera suffisant pour payer pour le lait en poudre ? Parce que c’est très cher ! » Ils ont beaucoup de mal à trouver des solutions pour gagner de l’argent… Leur fille avait un goûté ce matin, mais elle l’a encore partagé avec son père pour qu’il le donne à ses frères et sœurs plus jeunes. »
« Et est-ce qu’ils ont de l’eau dans leur maison ? »
« Non, pas d’eau. Ils sont très éloignés de la source. Et on pouvait voir des vêtements sales étalés partout dans leur jardin. Je lui ai demandé pourquoi ces vêtements étaient là, et la maman a dit que la source était très loin et qu’elle était trop fatiguée de s’occuper des enfants. »
« Combien d’enfants a-t-elle ? »
« Neuf ! Elle n’a plus le temps ni l’énergie de laver les vêtements, et d’aller loin pour le faire. Même prendre une douche est difficile pour elle ! »
« Depuis combien de temps n’a-t-elle pas pris de douche ? »
« Pour la mère cela faisait un mois ! Je pouvais le voir dans son apparence. Quand ils vont chercher de l’eau c’est pour cuisiner. Et ils n’ont pas de toilettes, donc ils vont n’importe où autour. Mais se laver et laver les vêtements ne fait plus partie des priorités pour eux.
Indépendamment de cela, il y a beaucoup de champs par là bas : on traverse des champs de canne à sucre (plantes pouvant atteindre 2 mètres de hauteur) pour aller à la source. Donc si tu te balades à travers les champs, tout seul, n’importe qui peut t’attraper et te faire du mal. C’est très dangereux et il est impossible de demander de l’aide car il n’y a personne autour. »
« Y a-t-il d’autres familles comme eux, dans les mêmes conditions ? »
« Oui il y en a plein. Et quand les cannes à sucre grandissent, les viols augmentent considérablement. »
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« Le devant de la maison est comme ceci, le père a dû casser une partie de la barrière pour nous laisser rentrer! D’après lui, c’est leur protection contre ceux qui leurs voudraient du mal »
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« Voici la maison, faite de bambous »
Julie: « Es-tu rentrée à l’intérieur? »
« Non seulement Maybell. Je ne suis pas rentrée parce que j’avais peur qu’elle s’écroule! Elle n’est pas résistante. Et tu peux voir les vêtements étalés partout. »
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« Voilà la cuisine. Donc s’il y a un feu, tout peut brûler facilement. »
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« Voici la famille. La mère disait que ça faisait un mois qu’elle ne s’était pas lavée. Elle a 37 ans et elle a déjà neuf enfants. Le père a 64 ans. »
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« Leurs portes ne ferment pas. N’importe qui peut facilement rentrer! »
« Et sont-ils au moins protégés de la pluie ? »
« Avec ce genre de murs, quand il pleut fort ça fuit à l’intérieur. Et s’il y a un nouveau typhon, il sera difficile pour eux d’y survivre… »
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« Est-ce que c’est un cas unique, ou bien y a-t-il d’autres familles dans la même situation qu’eux dans les autres provinces? »
« C’est partout pareil ! Beaucoup de maisons ne sont pas sécurisées et trop petites comme celle-ci par exemple. Est-ce que tu imagines comment ils peuvent vivre dans une petite maison comme celle-ci ?! »
« Combien sont-ils? »
« Ils sont cinq : la grand-mère et les quatre enfants ! »
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« Merci Mélanie pour avoir partagé ton expérience avec ces familles ! »
« De rien! »
Interview et article réalisés par Julie Cabande, bénévole en mission sur le terrain à CAMELEON Philippines