L’affaire Epstein fait grand bruit sur la scène internationale depuis plusieurs semaines et d’autant plus depuis qu’il a été retrouvé mort dans sa cellule samedi 10 août. Après ce « suicide apparent » il est logique de se demander quelle va être la suite donnée à cette affaire aux Etats-Unis, mais pas seulement.
Reprenons depuis le début :
Epstein est un homme d’affaires, gestionnaire de fonds, américain. Il est connu pour sa fortune, ses relations avec des hommes très influents, et pour son goût pour les jeunes filles dont il ne se cachait pas. Propriétaire de plusieurs biens immobiliers et d’une île, il s’en servait pour organiser des rencontres entre les jeunes filles (recrutées et payées) et ses amis proches. C’est d’ailleurs pour cette raison que cette affaire a pris des proportions internationales. Epstein est connu pour avoir des relations aux quatre coins du monde avec des personnes plus importantes les unes que les autres : Donald Trump, Bill Clinton, le Prince Andrew, Ehud Barak, Tony Blair et David Hamilton Koch pour n’en citer que quelques-uns.
En 2005
Une première enquête est menée suite à la plainte déposée par la mère d’une jeune fille qui affirme que le milliardaire a abusé d’elle en échange de 300$. Après une enquête de presque un an, les chefs d’accusation sont nombreux : relations sexuelles illégales avec des mineures, atteinte à la pudeur, incitation à la prostitution sur des mineures.
En 2008
L’enquête a abouti à une peine de prison aménagée de 18 mois durant laquelle Epstein peut se rendre à son bureau 6 jours sur 7 pour travailler. Cette peine prend fin au bout de seulement 13 mois et des questions sur la gestion de ce dossier commencent à émerger. Ce sont d’ailleurs ces interrogations qui ont poussé Alexandre Acosta, ancien procureur fédéral en Floride et actuel Ministre du travail de l’administration Trump, à démissionner.
En effet, il y a 11 ans ce dernier a conclu un accord particulièrement favorable à Epstein sans en avertir la victime : s’il plaidait coupable d’avoir engagé des mineures pour avoir des relations sexuelles avec lui, il bénéficierait d’une peine aménagée particulièrement courte, éviterait le procès, évincerait les victimes de la procédure et serait simplement inscrit au registre des délinquants sexuels. Cet accord est passé en violation de la procédure judiciaire, du droit constitutionnel et constitue un passe-droit qui laisse toute la liberté d’agir à un pédocriminel.
Entre 2015 et 2016
De nouveaux témoignages et de nouvelles plaintes viennent étayer le dossier d’Epstein. Du moins, c’est ce que l’on pourrait croire avant de s’apercevoir que la plupart des propos des victimes n’ont pas été retenus au dossier.
2019
C’est seulement cette année que l’affaire reprend, grâce aux témoignages de nouvelles victimes qui vont permettre de relancer l’enquête et, le 7 juillet 2019, Epstein est arrêté pour trafic sexuel.
Epstein en France
Maintenant que Epstein est mort, nombreuses sont les interrogations sur les suites de l’affaire, et notamment en France. Epstein était en effet un amoureux de la France et possédait une propriété dans le XVIème arrondissement de Paris. Tout porte à croire qu’il aurait pu développer le même réseau d’exploitation sexuelle de mineures sur le sol métropolitain. Son carnet d’adresses contenait également beaucoup de noms de Français qui ont potentiellement tiré profit de ce réseau d’exploitation sexuelle, notamment celui de Jean-Luc BRUNEL soupçonné d’avoir fourni des dizaines de jeunes filles mineures à Epstein par le biais de son agence de mannequins.
Ouverture d’une enquête en France
Marlène Schiappa et Adrien Taquet, respectivement Secrétaire d’Etat à l’égalité homme/femme et à la protection de l’enfance, ont fait un communiqué de presse dans lequel ils réclament l’ouverture d’une enquête en France. Ils écrivent
« La mort de M. Epstein ne doit pas priver les victimes de la justice à laquelle elles ont droit : c’est une condition essentielle à leur reconstruction, c’est aussi une condition à une protection plus efficace à l’avenir d’autres jeunes filles face à ce type de réseaux organisés, face à ce type de prédateurs ».
L’association Innocence en danger a ajouté que la France se devait d’ouvrir une enquête étant donné que les investigations menées par le FBI faisaient apparaître, de source sûre, plusieurs noms de personnes de nationalité française.
Une affaire à suivre de près
Il s’agit maintenant de savoir si, et comment, la justice française va se saisir de cette affaire. Si elle ne le fait pas malgré les preuves qui apparaissent au fur et à mesure de l’enquête américaine, la France se rendrait complice de ce réseau international de trafic sexuel de mineurs. L’un des derniers témoignages diffusé fait d’ailleurs apparaître que Epstein se serait « offert » une jeune fille de 12 ans qu’il a fait venir de France pour son anniversaire.
Aux Etats-Unis, l’homme d’affaires devait faire face à deux chefs d’accusation : trafic sexuel et conspiration en vue de trafic sexuel. L’ironie de la justice française est là : en accord avec la loi Schiappa sur le consentement des mineurs, il incombera aux victimes de prouver leur non-consentement afin de qualifier le viol.
Nous nous joignons à l’association Innocence en danger afin de rappeler l’importance d’ouvrir une enquête, de rendre justice aux victimes françaises et de punir en conséquence les complices français d’Epstein.
Nous attendons maintenant une lutte d’envergure contre :
- la pédo-criminalité et son impunité scandaleuse
- une réelle protection des mineurs contre les violences sexuelles et la prise en compte du problème de santé publique majeur que représente ces violences.
Il est indispensable d’établir :
- un seuil d’âge du consentement sexuelle à 15 ans (et 18 ans en cas d’inceste et de handicap)
- l’imprescriptibilité des crimes sexuels
- l’arrêt des déqualifications (de crimes aux Assises à délit en Correctionnel)
- une réelle protection des mineurs victimes tout au long de la procédure judiciaire.
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