La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) est un document fondateur au niveau du droit international. Adoptée à la suite de la Seconde Guerre Mondiale, elle proclame l’égale dignité de tous les êtres humains. Elle énumère des droits inaliénables inhérents à toute personne du seul fait de sa condition humaine, sans distinction notamment de « race », de sexe, de religion, de langue, de culture, d’origine ethnique ou sociale, d’opinion, etc. Les valeurs qu’elle défend sont universelles et tendent vers un idéal commun à atteindre par toutes les nations et pour tou.te.s.
Eleanor Roosevelt, ancienne Première dame et déléguée des États-Unis auprès de l’ONU, présida le comité de rédaction de la DUDH. Elle a joué un rôle primordial pour permettre l’adoption de la Déclaration dans un contexte de tensions internationales entre les blocs de l’Est et de l’Occident.
En version originale : la Déclaration Universelle des Droits Humains
Les rédacteurs de la DUDH se sont fortement inspirés de la Déclaration française de 1789 sur les droits de l’homme et du citoyen. Ils souhaitaient reprendre le terme de « Man Rights » mais grâce au combat de plusieurs femmes déléguées de différents pays, la DUDH fut pensée comme véritablement universelle et inclusive dans sa formulation : Universal Declaration of Human Rights (UDHR en anglais). Ainsi c’est le terme « Human Rights » qui a été choisi et non le vocable « droits de l’homme » de 1789, qui excluait volontairement le genre féminin de tout exercice de citoyenneté.
Selon l’article 1 de la DUDH : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » Là aussi, la formulation « tous les êtres humains » plutôt que « tous les hommes » fut l’objet de négociations, menées par la déléguée indienne Hansa Mehta. L’universalité de la DUDH ressort dans sa traduction dans plus de 500 langues, ce qui en fait le texte le plus traduit au monde.
Une particularité française, en hommage à la Révolution ?
Seule la France a choisi de retenir la dénomination « droits de l’homme » et non « droits humains » avec la « Déclaration universelle des droits de l’homme » comme traduction de « Universal Declaration of Human Rights ». La plupart des pays européens utilisent le terme « humain » : « Human rights » en anglais, « Menschenrechte » en allemand, « derechos humanos » en espagnol, « diritti umani » en italien. La DUDH promeut l’exercice universel des droits humains, elle n’a cependant aucun caractère contraignant pour les États. Des textes spécifiques ont été adoptés par la suite afin d’engager les États à agir et rendre des comptes pour faire respecter ces droits, comme les lois canadiennes sur les droits de la personne (1977) ou la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (1989).
En conservant l’expression « droits de l’homme » dans une traduction incorrecte du texte de 1948, la France a voulu souligner la primauté de la Déclaration de 1789. Cet attachement démontre une vision idéalisée de ce document qui néglige son aspect discriminatoire. En effet, les rédacteurs de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) ont refusé d’accorder aux femmes les droits qu’ils conféraient aux hommes. Le terme « homme » relève d’une volonté explicite d’exclure les femmes de la vie politique et de leur dénier le droit de vote en raison de leur « nature inférieure ».
En 1791, Olympe de Gouges voulut compléter ce texte avec la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne mais fut persécutée. Elle écrivit notamment : « La femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la Tribune. » Ironie du sort, elle finit guillotinée deux ans plus tard avec l’épitaphe suivante publiée dans un journal : « Elle voulut être homme d’État, il semble que la loi ait puni cette conspiratrice d’avoir oublié les vertus qui conviennent à son sexe » !
Pourquoi utiliser le terme « Droits humains » plutôt que « Droits de l’homme » ?
Les débats portant sur le choix des mots lors de la rédaction de la Déclaration de 1948 ne sont pas une coquetterie de langage mais renvoient à des enjeux politiques bien réels pour cesser d’invisibiliser les femmes et leur garantir les mêmes droits qu’aux hommes. L’exception française et l’expression « droits de l’Homme » sont porteuses d’une tradition conservatrice et sexiste, héritée du 18ème siècle.
Autre exemple d’universalité partiale dans notre Histoire : la France a été l’un des premiers pays à instaurer le suffrage dit « universel » (en réalité seulement masculin) en 1848. Sa première tentative d’application remonte même à la période révolutionnaire, en 1792 ! Pourtant il faudra attendre 1944 pour que les Françaises obtiennent les mêmes droits, après des décennies de lutte. Nous sommes l’un des derniers pays occidentaux à avoir accordé aux femmes le droit de voter et d’être élues…
En outre, le « H » majuscule des droits de l’Homme, censé être générique disparaît souvent au profit du « h » minuscule pouvant être compris comme exclusivement masculin. Enfin, l’expression « droits des femmes » peut renforcer cette ambiguïté avec l’idée que les femmes auraient ou revendiqueraient des droits différents de ceux des hommes. A contrario, l’expression « droits humains » prend en compte les deux genres tout en donnant plus de visibilité aux femmes et à leurs luttes pour faire évoluer les comportements et les mentalités.
Un choix politique pour reconnaître les droits et la place de chacun.e dans la société
Évidemment il n’est pas question de modifier les titres de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ou de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, car l’expression « droits de l’homme » a une assise historique et fait bien partie de notre héritage culturel. La DDHC a marqué un tournant important de notre Histoire, rappelé par le Préambule de la Constitution de notre République actuelle.
Mais les textes et le concept des droits humains ont évolué depuis 1789, prenant en compte les avancées des droits des femmes. Ainsi l’article 1 de la Constitution de 1958 a été modifié en 2008 avec l’ajout suivant : « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »
Pour toutes ces raisons, et conformément au texte original de la DUDH ainsi qu’aux recommandations d’instances internationales comme françaises (Conseil de l’Europe, Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, etc.) CAMELEON privilégie dorénavant le terme « droits humains ».
Parce que les mots ont une signification politique et un impact sur la représentation de la société.
Au nom de l’égalité des sexes, condition sine qua non du respect effectif des droits humains et d’une égale dignité pour tous et toutes !