Je m’appelle Antonnette. Aujourd’hui, je fais partie de l’équipe des Voice of CAMELEON’s Children (Prévention et Plaidoyer) et je suis la plus jeune des employées de l’association CAMELEON Philippines. Quand je suis arrivée à CAMELEON en Mai 2008, j’étais une petite fille de CM1 discrète. Je suis restée dans le centre CAMELEON pendant cinq ans au sein du programme de Reconstruction Personnelle, puis pour cinq années encore, dans le programme de Réinsertion et Autonomie, jusqu’à l’obtention de mon diplôme universitaire.
Mes parrains ont été d’un grand soutien. Ils m’envoyaient des lettres et des cartes d’encouragements qui me motivaient à poursuivre et réaliser mes rêves. En 2012, ils sont venus me rendre visite. C’était un couple qui se souciait de moi, de mes intérêts et objectifs dans la vie. Au début, j’étais très timide. Cependant, grâce à nos correspondances régulières, ce n’était pas du tout étrange de se parler en face à face. Petit à petit, nous avons parlé de nos vies, de nos cultures, de livres et plein d’autres choses encore.
Mes parrains sont arrivés au moment où j’étais la plus fragile et vulnérable, au moment où j’en avais le plus besoin. Je souffrais tellement des douleurs de mon passé que je ne savais pas comment faire pour recommencer à vivre. Ils m’ont soutenue pour que je puisse aller à l’école et vivre dans un environnement sûr. Ils m’envoyaient des livres et me rassuraient avec des mots pleins d’amour et d’encouragement.
Mes parrains ont été comme les pièces manquantes d’un puzzle dont j’avais besoin pour guérir. Ils ont été ma famille de coeur, celle qui m’a appris à refaire confiance, après que ma famille biologique ait détruit ma vie. Aujourd’hui, quand des situations difficiles se présentent, je repense à mes parrains et à Tita Lulu (Laurence Ligier), ces personnes qui ont cru en moi. C’est grâce à leur soutien que j’ai osé voir la vie en grand.
J’ai obtenu mon baccalauréat avec mention, en option journalisme où j’étais contributrice et rédactrice-en-chef du journal du lycée. J’ai eu l’opportunité de m’inscrire dans l’université de mon choix et poursuivre un diplôme d’Etat d’éducateur spécialisé. En parallèle, j’ai continué mon engagement CAMELEON lorsque s’est créée l’équipe des Jeunes Ambassadeurs des Droits de l’Enfant où j’étais la plus jeune des membres. Nous étions en charge d’organiser et animer des séminaires et activités de sensibilisation à destination de parents et enfants de villages. Nous mettions en place des partenariats et projets avec des collectivités locales et nous représentions les enfants et la jeunesse lors des consultations de projets publics nationaux…
Je le sais, mes parrains ont investi en moi, pas seulement en termes financiers, mais surtout pour mon avenir en général. Sans leur encouragement ni leur soutien, je n’aurais jamais trouvé mon but dans la vie.
A l’instar du combat que Tita Lulu a mené pour nous, j’ai pris la parole haut et fort pour encourager d’autres personnes, qu’ils ou elles soient des enfants victimes de violences sexuelles ou non, à mettre fin à ces actes inhumains.
En 2017, j’ai été la représentante de l’équipe des Jeunes Ambassadeurs des Droits de l’Enfant pour le Concours des Dix Jeunes Talents Philippins issus d’Organisation de Jeunesse, où j’ai fini à la première place parmi 400 candidatures.
En Février 2018, accompagnée de la chargée de programme de Prévention et Plaidoyer, nous nous sommes rendues au siège de l’ONU à New York pour assister, pendant 5 jours, à l’Assemblée de la Jeunesse d’Hiver 2018 où j’ai porté les couleurs de CAMELEON.
Pour faire le bilan, depuis l’année 2015 où j’ai obtenu mon baccalauréat, j’ai reçu mon diplôme universitaire d’éducateur spécialisé, remporté un prix spécial en Rhétorique, Littérature et Théâtre, et été nominée pour le prix de Professeur de Théâtre Exceptionnel. Désormais, je partage mon temps entre les séminaires de sensibilisation aux droits de l’enfants à destination de différents publics, les cours de théâtre que je dispense, et le développement de nouveaux matériels de prévention et de plaidoyer pour encourager de nouvelles personnes à rejoindre le combat contre les violences sexuelles.
Ce fut un long chemin, depuis la petite fille que j’étais et qui n’arrivait pas à parler, à celui de femme qui élève sa voix pour celles et ceux qu’on essaie de réduire au silence. Une longue décennie de combat entre les tourmentes du passé, le soutien et les encouragements que j’ai reçus, les succès mais aussi les obstacles de la vie. Ce fut une bataille que j’ai pu gagner grâce à Tita Lulu et à mes parrains qui ont combattu à mes côtés.
Aujourd’hui, les enfants m’appellent “Manang”, un nom affectueux qui veut dire grande sœur en hiligaynon. Parfois, je me perds entre les pages d’un livre et je ne peux m’empêcher de penser à celles et ceux qui vivent encore dans l’ombre et qu’on essaie de faire taire. J’espère qu’un jour, ils seront tous trouvés, et que nous serons de plus en plus nombreux dans ce combat et pour leur prêter main forte, comme cela est arrivé pour moi.