Une journée à la plage, des retrouvailles avec les grands-parents ou leurs premiers exploits sportifs… À l’ère des réseaux sociaux, partager les moments de vie et de fierté de ses enfants est devenu banal. En effet, c’est ce qu’on appelle le “sharenting”, contraction anglaise de share” (partager) et “parenting” (parentalité). Cette tendance apparemment anodine comporte des risques pour la vie privée et la sécurité des enfants.  

 

Le sharenting et les réseaux sociaux

53% des parents utilisent les réseaux sociaux pour partager des photos de leurs enfants, et ce parfois dès leur naissance. Les comptes publics sur les réseaux sociaux deviennent alors des albums photos numériques, accessibles au reste de la famille, à l’entourage proche, mais également au monde entier.

À 13 ans, alors qu’il n’a pas l’âge minimal pour avoir un compte sur les réseaux, un enfant apparaît en moyenne sur 1 300 publications en ligne. 

Mais le phénomène est devenu si courant, qu’il en devient parfois lucratif. Des parents influenceurs publient au quotidien des photos et des vidéos de leur enfant. Chaque moment de vie est alors filmé, parfois mis en scène, et publié contre des likes et de nouveaux abonnés. Certains déclarent recevoir des cadeaux, nouer des partenariats ou gagner jusqu’à 5 000€ mensuels en publiant ces contenus.  

Quels sont les risques liés au sharenting ? 

1/ Le détournement de ces contenus à des fins malveillantes 

Bien qu’anodins, ils sont couramment détournés sur les forums pédocriminels. On les appelle “contenus autoproduits” quand ils sont réalisés par l’enfant lui-même, très souvent sous la contrainte, ou par son entourage proche.  

Ils peuvent également être détournés par l’Intelligence Artificielle pour produire des deepfakes pédocriminels. Le portrait d’un enfant souriant, dans des mains malintentionnées, peut ainsi être récupéré et placé sur un corps nu ou dans des mises en scène violentes.   

De plus, une photo n’est pas qu’une image : c’est également un ensemble de données. Un album photo peut donner accès au nom de l’école que fréquente l’enfant, l’endroit où il a l’habitude de jouer, ses activités préférées… En bref, autant d’informations intéressantes pour un prédateur cherchant à se rapprocher d’un enfant. On estime qu’il existe 2,5 millions de pédocriminels connectés dans le monde, dont certains font déjà partie de l’entourage proche des enfants ciblés.  

2/ Le droit à la vie privée des enfants et des jeunes  

Un autre risque concerne davantage le droit à la vie privée des enfants et des jeunes : à chaque publication, ont-ils donné leur consentement ?  

Les photos, les vidéos et les anecdotes postées en ligne restent à vie. Bien qu’enfants comme adultes aient un droit à l’effacement (qui consiste à pouvoir demander la suppression de ses données personnelles en ligne), il suffit parfois qu’un contenu ait été repartagé ou capturé pour perdre le contrôle de son image.  

Que dit la loi ?

Pourtant, les enfants ont le droit à la vie privée.  

En février 2024, une loi visant à mieux protéger le droit à l’image des enfants portée par Bruno Studer introduit la notion de “vie privée” de l’enfant dans la définition de l’autorité parentale du Code civil.  

Elle précise également que le droit à l’image des enfants est protégé en commun par les deux parents, et en tenant compte de l’avis des enfants selon leur âge et leur maturité. Autrement dit, si un parent publie des contenus mettant en scène son enfant alors que l’enfant ou l’autre parent n’est pas d’accord, un juge peut suspendre ou déléguer l’exercice de ce droit pour le parent en cause.  

Les bonnes pratiques à adopter

En prenant des précautions et en pensant aux conséquences à long terme qu’un simple contenu peut avoir sur un enfant, il est possible de prévenir certains risques liés au sharenting : 

  • S’il est en âge de donner son consentement, demander l’accord de l’enfant avant de publier.
  • Eviter de montrer le visage de son enfant.
  • Ne pas partager de données personnelles (son prénom, sa localisation, ou l’adresse de son école et de ses activités extrascolaires).
  • Ne pas partager d’images pouvant porter atteinte à son intimité ou à sa dignité.
  • Paramétrer ses réseaux sociaux pour contrôler qui a accès aux publications.